Portage

Porter son bébé : y-a-t-il une durée maximum ?

Lorsqu’on accompagne des familles dans leur pratique du portage, une interrogation revient assez régulièrement :

Combien de temps au maximum peut-on porter son bébé ? 

Question importante à laquelle on pourrait très simplement répondre :« Pas plus de 24h/jour »

Voilà.

Fin de l’article et au revoir ?

Prenons le temps de détailler un peu mieux !

« Pas trop longtemps sinon ça va lui abîmer le dos »

A l’image des coques où l’usage est souvent de préconiser des temps courts, il est fréquent d’entendre parler de limiter les temps de portage dans la journée, pour que bébé puisse bouger par exemple, ou ne pas « abîmer » son dos.

La réalité est beaucoup plus nuancée. S’il est vrai que dans un porte-bébé bien ajusté l’enfant est très entravé dans sa mobilité, il n’est pas pour autant nécessaire de l’en sortir au bout de 30mn.

Rappelons en premier lieu que le nouveau-né a naturellement une colonne vertébrale « arrondie » (cyphose totale), et que de fait une position avec un dos arrondi ne fait que suivre la forme naturelle de sa colonne. Il n’existe pas d’étude montrant qu’une utilisation normale d’un cosy ou d’un système de portage (physio ou non, écharpe ou non) « abimerait » le dos d’un bébé. Cette soi-disant règle des 30mn maximum tient plus de la légende urbaine que d’une vraie information scientifique.

une maman  porte son bébé d' environ 6 mois en sling ecru. Le bébé est lové contre elle en posiotion physiologique

Dans une coque le bébé est totalement contraint. Normal : la coque est conçue pour les déplacements en voiture et le but est de le protéger en cas de choc. Sa tête notamment est stabilisée par les renforts, l’enfant y est donc installé dans la même position toute la durée du déplacement. Il est conseillé lors des trajets de faire des petites pauses toutes les 2h pour le sortir de la coque et qu’il puisse bouger un peu, et évidemment déconseillé de l’y laisser plusieurs heures par jour tous les jours sans nécessité (notamment pour limiter les problématiques de déformation de la boîte crânienne) !

Dans un porte-bébé la situation est sensiblement différente :

  • La tête n’est pas en appui et sa mobilité est préservée, ce qui limite les risques de voir apparaître une déformation de la boîte crânienne sur un long temps
  • Le corps du porteur n’est pas statique et oblige l’enfant à plein de micro-ajustements de posture au cours du temps de portage

Le couple porteur-porté constitue un système dynamique : le porteur bouge, obligeant l’enfant à bouger un peu également (volontairement ou non).

Le bébé bouge, obligeant le porteur à le repositionner.

Et enfin le porteur va régulièrement et assez intuitivement venir déplacer un peu la matière autour de lui-même et de son bébé pour varier les appuis.

On va conseiller de la même façon que dans la coque de proposer une petite pause toutes les 2-3h, pour que l’enfant puis gigoter un peu et limiter les effets de stase, mais en général ça tombe bien : c’est à peu prêt à la même fréquence qu’il va falloir l’alimenter, l’hydrater, ou lui changer sa couche. Et si de temps en temps bébé vous tape sa meilleure sieste et qu’on dépasse un peu les 3h, ce n’est pas dramatique !

 Et la motricité dans tout ça ? 

Après le spectre de la crainte du dos déformé vient celui de la crainte de l’enfant porté qui du coup ne saurait jamais marcher.

Il convient de distinguer les différents temps clés de la journée d’un bébé : le tout-petit alterne des phases de sommeil, d’alimentation, et d’éveil calme. Plus l’enfant est petit, plus les temps de sommeil sont importants en regard de ceux d’éveil calme, plus il grandit et plus les temps d’éveil augmentent.

Sur un temps dédié au sommeil, porter l’enfant n’aura aucun impact sur son développement moteur. Sur un temps d’éveil calme, on pourra en revanche proposer des temps au sol sur un tapis pour qu’il commence à mobiliser son corps. La grosse subtilité réside dans le fait qu’un temps au sol n’a d’intérêt que si au préalable le bébé a été suffisamment sécurisé pour accepter d’être posé et concentrer son énergie à la maîtrise de ses gestes et postures. Dans le cas contraire il devra puiser dans ses ressources pour gérer son « stress ».

En parallèle, sur le corps en mouvement de son porteur, l’enfant sent ses muscles bouger, intègre inconsciemment comment effectuer tel ou tel mouvement. Son oreille interne est sollicitée et le tout participe au bon développement du système vestibulaire, garant de l’équilibre nécessaire ensuite à l’acquisition de la marche, par exemple.

Le portage s’avère être un vrai support complémentaire au développement moteur du tout-petit, en permettant l’acquisition de compétences indispensables à ce dernier et en lui proposant un cadre sécurisant. Plus l’enfant va grandir, plus les temps moteurs vont s’allonger au détriment des temps de portage.

« Oui mais du coup, on ne peut quand même pas le garder tout le temps porté ? »

Effectivement non.

Chaque enfant aura un besoin qui lui est propre : certains auront un besoin de proximité et sécurisation très important et vivront leurs premières semaines littéralement glués sur le corps d’un adulte référent (parents, grands-parents, assistant(e) maternel(le)…), là où d’autres manifesteront très rapidement leur préférence pour le tapis d’éveil.

Lorsqu’on a un bébé très demandeur, il convient de garder en tête que cela ne durera pas éternellement. Promis : aucun ado de 16 ans ne réclame à être porté pour aller au lycée ! 🙂

Le plus souvent la bascule s’opère autour de 3 mois : il commence à s’intéresser un peu plus à son environnement et naturellement à accepter un peu plus les temps au sol. L’état actuel des connaissances tend à montrer qu’au plus on aura répondu aux besoins de réassurance, au plus l’enfant sera ensuite autonome et indépendant. Pas de « bébé à bras capricieux » à l’horizon !

Les limites du portage se situeront surtout côté règles de sécurité. Pour des raisons assez évidentes, il est vivement déconseillé de dormir avec un bébé porté dans un système en raison des risques accrus d’étouffement.

Pas de pratique sportive non plus (ils aimeront sûrement le trampoline et le ski, mais plus tard), ni vélo ou autre activité présentant un risque accru personnel.

En revanche avec un peu d’entraînement il vous arrivera sans doute d’aller aux toilettes en portage (on passe des caps en tant que parents…).

En bref, les temps de portage conseillés suivent surtout des règles de bon sens : suivre les besoins (du bébé ou les vôtres), faire des petites pauses régulières, laisser l’enfant explorer son corps lorsqu’il en manifeste l’envie, et ne pas adopter de comportements à risques.

N’hésitez pas à vous faire confiance ainsi qu’à votre bébé !